Les Maîtres de l'Aikido d'avant guerre - Extraits (1)

Il y a quelques temps, alors que je publiais mon article Finesse et Frustration, j'avais reçu quelques commentaires m'expliquant que je ne comprenais rien à l'Aikido et aux paroles de Me Ueshiba. C'est sans aucun doute vrai, et d'après ce que j'ai pu lire les paroles d'O Sensei étaient incompréhensibles même pour ses proches élèves. Je n'ai donc pas la prétention de les comprendre, ni de comprendre une discipline aussi complexe que l'Aikido.

J'avais fait remarqué en commentaire que Me Mochizuki lui-même disait qu'il lui avait fallu 50 ans pour comprendre, ce qui me rassure un peu sur mon incapacité à percevoir correctement les choses.

J'aime particulièrement cette interview de Minoru Mochizuki, que l'on peut trouver dans le recueil d'interviews de Stanley Pranin Les Maîtres de l'Aikido - Elèves de Maître Ueshiba, période d'avant guerre

Après mon voyage en Europe, d'autres élèves de Ueshiba Sensei commencèrent à visiter des pays étrangers et l'Aïkido prit une importance mondiale. Pour dire vrai, à mon retour il y a trente ans, j'ai eu quelques problèmes avec maître Ueshiba. En le retrouvant je lui avait dit : " Je suis allé outre-mer pour faire connaître votre oeuvre et j'ai fais des compétitions avec différentes personnes quand j'étais là-bas. J'ai compris qu'il était très difficile de gagner en utilisant seulement des techniques d'Aïkido. Dans certains cas, je passais instinctivement à des mouvements de Judo ou de Kendo et cela me permettait de me sortir de situations difficiles. J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, je suis obligé de conclure que les techniques du Daito-ryu jujutsu ne suffisent pas dans toutes les situations. Les lutteurs ne sont pas perturbés par les chutes et roulent après avoir été projetés. Ils reviennent immédiatement à la charge et utilisent des techniques de corps à corps. Quand à la boxe française, elle va bien au-delà des simples techniques de pied et de main du karaté. Je suis sûr qu'à l'avenir l'Aïkido va se répandre dans le monde entier, mais si c'est le cas, il devra élargir son éventail technique pour être capable de répondre avec succès à n'importe quelle attaque."

Après avoir écouté cette diatribe O-Sensei me dit : "Tu ne parles que de gagner ou de perdre. "Je continuai très vite : "Mais il faut être fort et gagner. Maintenant que l'Aïkido est connu dans le monde entier il faut qu'il soit théoriquement et techniquement capable d'affronter n'importe quel défi." A quoi il me rétorqua :"Toute ta façon de penser est faussée. Bien sûr qu'il ne faut pas être faible, mais ce n'est qu'un aspect du problème. Ne comprends tu pas que nous ne sommes plus à une époque où nous pouvons seulement même parler de victoire ou de défaite ? Nous sommes entrés dans un siècle d'amour, tu n'arrives pas à comprendre ça ?" Vous auriez dû voir ses yeux pendant qu'il me parlait !

A cette époque, je n'arrivais pas à saisir complètement le sens de ses paroles mais avec le temps elles sont devenues plus claires. C'est pourquoi aujourd'hui je ressens les choses autrement. Pendant ces quatre ou cinq dernières années, nous avons vu le monde se diriger vers une guerre capable de réduire la population du globe des deux tiers. Dans une telle atmosphère comment pouvons nous encore jouer avec ce concept de victoire ou de défaite ? C'est pourquoi je ressens sincèrement, du plus profond de mon coeur, que les conceptions du maître sont exactement le genre de Budo que je veux promouvoir. Je crois avec passion qu'il devrait exister des mots pour faire connaître au monde d'aujourd'hui les idées et les pensées de Ueshiba Sensei. Mais il nous faut aussi des techniques comme support pédagogique de cet enseignement. Il est indispensable de pouvoir l'exprimer en mots et le réaliser en actes.


Comme j'ai souvent pu le dire, je ne doute pas que l'Aikido soit "plus" qu'un simple art de combat, ce dont je doute c'est que les pratiquants qui s'en vantent le comprennent toujours aussi bien

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